La blague du premier ministre à l'occasion de son discours d'ouverture au
Salon Plan Nord témoigne d'un
humour cynique qui révèle la même arrogance, la même insouciance
que celle qui aurait coûté la tête à Marie-Antoinette suite à la
Révolution française. Les protestataires qui descendent jour
après jour dans la rue l'ont retournée en un slogan qui en dit long
sur l'état d'esprit d'une vague de contestation qui dépasse
largement la lutte corporatiste
opposant le mouvement étudiant et le gouvernement libéral sur la
question de la hausse des frais de scolarité : «Charest,
dehors! On va t'trouver une job dans l'Nord...»
Une
foule des gens d'affaires qui, moyennant la modique somme de 400 ou
500 $ par personne, assistait au Forum stratégique sur les ressources
naturelles, a ri à gorge
déployée. Une foule de jeunes (et de moins jeunes) qui se faisait,
plutôt gratuitement, matraquer, poivrer, gazer et tirer dessus par la police à l'extérieur du Palais des Congrès de
Montréal, a pour sa part beaucoup moins apprécié de faire les
frais de l'humour d'un Premier ministre assiégé dans sa salle de
conférence.
Le
forum en question était organisé par la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain, en partenariat avec Raymond Chabot Grant
Thornton, dont l'ex-vice-première ministre du Québec et ancienne
ministre responsable du Plan Nord,
Nathalie Normandeau, est aujourd'hui vice-présidente au
développement stratégique. Le moins qu'on puisse dire c'est que
cette petite élite économique et politique qui s'amusait dans sa
maison de verre avec le premier ministre se moque, littéralement,
des problèmes d'accessibilité aux études et du droit des
communautés du Nord à disposer d'elles-mêmes et de leur
territoire.
Ce
gratin du Québec Inc.
n'a qu'une idée en tête : créer de la richesse. À tout prix.
Comme si les ressources naturelles dont regorge le Nord-du-Québec ne
constituaient pas une richesse en soi. Il faudrait les exploiter pour en
tirer la plus-value
qui se transformera en profits pour leurs actionnaires, en croissance
économique pour le Québec. Pour la forme, on parle de ce vaste
chantier minier, forestier et énergétique en termes de
développement durable, mais qu'y a-t-il de durable dans l'extraction
de minerais qui ont pris des milliers, voire des millions d'années
à se former dans le sol? Dans le fait d'entailler des forêts qui sont parmi les
derniers écosystèmes intacts dans l'hémisphère nord?
Qu'on
se le dise le capitalisme n'est pas soutenable. Il ne l'a jamais été
et ne le sera jamais. En témoigne la triple crise économique,
écologique et énergétique dont le système-marché mondial,
gouverné par une opaque technocratie transnationale, est incapable
de se sortir. N'attendons plus que nos gouvernements provinciaux ou
nationaux, ni même les institutions internationales agissent pour
assurer le présent et garantir l'avenir de nos enfants et de notre
planète. La démocratie est depuis longtemps soumise aux besoins et aux
intérêts des marchés et de leurs cortèges d'investisseurs,
d'entrepreneurs et de spéculateurs.
Au
sommet de la hiérarchie sociale, on se paie notre tête avec mépris
et condescendance. À la base de la pyramide, le peuple gronde. Rira
bien qui rira le dernier.