Territoires occupés

Le territoire est une notion complexe, polysémique : région, espace, domaine, pays en sont autant de synonymes qui réfèrent aux dimensions géographiques, culturelles, économiques ou politiques du concept. C’est tout à la fois un habitat qui abrite une population, un environnement social où prennent racine des identités ethnolinguistiques, une réserve de ressources naturelles et humaines ainsi qu’une entité administrative au sein de laquelle se structure le pouvoir d’État. Rien de surprenant alors dans le fait que l’occupation du territoire ait été l’enjeu central de la géopolitique humaine depuis la nuit des temps.

Deux modèles de développement territorial semblent avoir prévalu tout au long de l’histoire : l’impérialisme et le colonialisme. Le premier réduit le territoire à sa dimension politique : il s’agit d’un État qui cherche à placer d’autres territoires sous son autorité. Le second révèle une conception essentiellement économique du territoire : il s’agit d’un système d’expansion qui vise à exploiter les ressources d’un territoire étranger au profit de la métropole et qui passe généralement par l’implantation de peuplements temporaires ou permanents sur ce territoire.

Le principal problème auquel se heurtent toutes les initiatives impérialistes et coloniales est que les territoires visés sont généralement déjà occupés, depuis des générations, par des peuples qui n’ont aucune volonté de céder leur terre aux entreprises métropolitaines ou aux colons, ni de se soumettre à une autorité étrangère qui tente de s’imposer comme légitime pour administrer leur territoire. D’où le recours par les États impérialistes et colonialistes à la force militaire, au besoin contre des populations civiles, et l’adoption de politiques de discrimination systématique et d’aliénation forcée à l’égard des premiers occupants.

Ne nous leurrons pas. Ce que l’on appelle aujourd’hui « mondialisation » et que l’on présente comme une infatigable marche vers le progrès politique, économique et social, n’est en fin de compte que l’aboutissement de siècles d’impérialisme et de colonialisme. Certes, les discours ont évolué. Les agressions militaires sont devenues des missions de « maintien de la paix » ou de « promotion de la démocratie » ; l’asservissement économique, de « l’investissement étranger » contribuant à la croissance et à la prospérité des « économies émergentes ». Le système, lui, repose sur les deux mêmes piliers : domination politique et exploitation économique.

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Doit-on se surprendre que le Canada soutienne inconditionnellement Israël dans l’occupation militaire et la spoliation des territoires palestiniens? Il faut se souvenir que ce que notre hymne national appelle la « terre de nos aïeux » est en réalité une terre ancestrale autochtone, pour la majeure partie non-cédée. Surtout, on est bien mal placé pour reprocher à Israël d’entasser, depuis plus de 60 ans, des millions de Palestiniens dans des camps de réfugiés, quand, au Canada, des milliers d’Amérindiens sont confinés dans des réserves depuis près de 150 ans...

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