Une marge d'indépendance

La marge est, par définition, un espace et un temps excentrique, hors-norme. Comme journaliste, on y perd en influence ce que l'on y gagne en liberté, en latitude. La marge se situe à distance du centre, quelque part dans sa périphérie plus ou moins éloignée, ce qui permet d'y prendre un certain recul par rapport à la réalité afin de porter un regard critique sur les faits et sur les opinions qui font la nouvelle (et, incidemment, sur ceux qui ne la font pas).

Depuis toujours, MAIS l'émission exprime avec ténacité et véhémence – parfois même avec une certaine obstination – un refus, une opposition et une résistance face à l’asservissement de l'information sous le joug de l'économie du savoir et face à la compromission du journalisme dans la crise des médias.

De par son refus des conventions médiatiques et du conformisme journalistique, elle participe à la nécessaire redéfinition du journalisme.

« Il s'agit non seulement de résister, mais aussi d'inventer, écrit Edwy Plenel dans le manifeste de Médiapart, Combat pour une presse libre. De fonder de nouveaux modèles, d'expérimenter et de tâtonner pour mieux sauver les traditions et les héritages qui nous tiennent à cœur. »

La tradition que prétend modestement poursuivre MAIS, l'émission est celle du journalisme d'intérêt public et l'héritage qu'elle porte humblement est celui du journalisme critique.

« Mais, insiste Plenel, il ne suffit pas de revendiquer cet héritage pour lui rester fidèle, tant notre légitimité malmenée par d'autres ou discréditée par nous mêmes est à reconquérir. »

MAIS, l'émission investit donc la marge comme un espace d'exploration journalistique et médiatique et se propose de reconquérir la liberté de presse, la liberté d'expression, d'information et d'opinion pour la remettre au service du débat public et de la délibération collective. Avec les ondes hertzienne comme signal hebdomadaire et le Web comme relais au quotidien, MAIS, l'émission joue son rôle de témoin d'alarme dans le brouhaha médiatique qui entoure d'un épais brouillard la crise politique, sociale et environnementale globale.

Contrairement aux médias de masse (dont elle emprunte néanmoins l'un de principaux canaux de diffusion : la radio), l'émission ne cherche pas à générer le plus d'audience possible et à ébahir cette dernière devant le spectacle du quotidien sur lequel celle-ci n'a aucune prise. Non. Elle cherche plutôt à construire un public au sens large, capable de s'interroger de manière autonome sur son rôle dans le monde et conscient de son pouvoir d'agir sur les enjeux et les défis collectifs qui se posent à notre humanité.

En affirmant son caractère marginal comme signature journalistique, MAIS, l'émission cultive une certaine marge d'indépendance. Depuis quelques 230 semaines à l'antenne de La Marge – CISM 89,3 FM à Montréal, elle s'affaire à défendre le journalisme tout en invitant celui-ci à remettre en cause sa prétention au monopole de l'opinion et de l'information et à regagner la confiance du public, seule garante de sa valeur et de sa légitimité démocratique.

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