Le rythme du pendule

 Cet été, le temps hésite entre le beau et le mauvais : un soleil de plomb n’attend jamais un orage électrique. De paisibles nuages blancs en terribles ciels gris, il semble que le pendule du climat oscille de manière de plus en plus erratique. De toute évidence, Montréal n’est pas un cas isolé. Comment ignorer les tsunamis qui frappent d’un côté du globe et les tremblements de terre qui surviennent de l’autre ; les crues et les inondations qui se multiplient dans les régions côtières ou les sécheresses et les incendies qui sévissent dans les zones continentales? Pendant que le niveau de la mer monte, l’eau potable se raréfie sur terre. La qualité de l’eau, de l’air et des sols se dégrade sous l'effet des changements climatiques, ce qui bouleverse à la fois directement et indirectement la biodiversité terrestre et aquatique.

Ceci n’est pas une litanie alarmiste. Il s'agit d'un constat scientifique et d'un fait social : sous l’effet combiné et interdépendant de la chaleur et des émissions de gaz à effet de serre, la glace fond. L’eau de mer se dilate et absorbe le CO2, acidifiant ainsi les océans à une vitesse jamais vue dans l’histoire géologique récente, c'est-à-dire depuis une bonne cinquantaine de millions d’années. À titre de comparaison, l’usage du feu par l'humain remonte à environ 300 000 ans; la sortie de la préhistoire, à quelque dix ou quinze mille ans. L’imprimerie mécanique date d’à peine huit siècles et le moteur à explosion de tout juste cent cinquante ans. BOOM! Deux siècles plus tard, nous voici aujourd’hui en pleine révolution climatique, en transition vers une nouvelle ère géologique.
 
Entendons-nous. Il y a déjà eu des périodes climatiques plus chaudes sur notre planète et d’autres plus froides; certaines plus favorables à la vie, d’autres plus hostiles. Entre temps, il y aussi eu des extinctions de masse qui ont ouvert la voie à l’évolution de jeunes espèces, comme les primates dont nous sommes issus. Voilà des millénaires que le climat terrestre fluctue entre glaciation et réchauffement, jouant avec les conditions de la vie et de la mort. 

Il y aurait là de quoi conforter les climato-sceptiques et les techno-optimistes dans leur foi en la croissance infinie et en l’éternel progrès! Mais il y a évidemment un hic. Si les changements climatiques actuels se déroulaient progressivement sur des siècles et des millénaires, plutôt que de se produire agressivement sur des années et des décennies, il n’y aurait peut-être pas de quoi s’inquiéter dans l’immédiat (quoique). À chaque saison qui passe, le métronome augmente la cadence de manière exponentielle et, de toute évidence, le pendule du climat est en train de s’affoler. Ce n’est pas étonnant si l’on considère que le temps qu’il fait n’est en réalité que le reflet du temps qui est. Et, à en croire la météo, les temps sont troubles par les temps qui courent…

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