Philosophie, éducation, médias et pensée critique : entretien avec Normand Baillargeon - Sommaire de l'émission du 27 novembre

«Ai-je eu tort de faire découvrir à mes élèves la révolte d’Antigone dans Sophocle, Jean Anouilh ou Henri Bauchau, ai-je eu tort de leur expliquer la différence entre la légalité et la légitimité d’un combat ? Ai-je eu tort de leur faire lire Émile Zola ou Victor Hugo en lutte permanente contre l’injustice et pour la vérité ? Ai-je eu tort de montrer aux plus jeunes que le Petit Prince a raison de préférer sa rose aux fausses richesses du businessman et de débattre avec les plus âgés sur Le discours sur la servitude volontaire d’Étienne de la Boétie ?  Aurais-je dû plutôt choisir, hors programme, des ouvrages qui apprennent l’appât du gain, l’art du mensonge, le refus du doute, le goût du pouvoir, la supériorité de l’oligarchie sur la démocratie ? Aurais-je dû leur dire que la justice, la vérité, le respect du vivant étaient des utopies inutiles, des valeurs ringardes et en total décalage avec le monde réel ? Peut-être après tout. Le choc serait moins rude et l’école serait enfin en phase avec la société...»

Cet extrait d’une lettre ouverte d’une enseignante à la Ministre de l’Éducation Nationale suite à la mort de Rémi Fraisse, atteint par une grenade assourdissante lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens en France, pose le ton pour l’émission de cette semaine. MAIS l'émission vous propose en effet une discussion en profondeur sur la philosophie de l’éducation et la pensée critique avec Normand Baillargeon, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), essayiste, militant libertaire, chroniqueur et collaborateur à différentes revues alternatives, dont l'excellente revue sociale et politique À Babord!.


Environnement et austérité : la société civile en résistance

« On ne mettra pas fin aux politiques d’austérité simplement en changeant le parti au pouvoir. C’est en bâtissant solidairement notre pouvoir populaire et en se faisant entendre dans la rue que nous pourrons confronter avec succès les élites qui décident des politiques d’austérité. Ce mouvement que nous appelons à construire, il devra se poursuivre après que nous aurons réussi à stopper les coupures. Ensemble, nous devons jeter les bases d’une économie coopérative, démocratique et autosuffisante, qui distribuera la richesse équitablement et fera appel à notre créativité, nos connaissances et habiletés, tout en préservant l’équilibre écologique de la planète. »
Ce mots, empruntés à la déclaration du Comité d’action solidaire contre l’austérité, expriment bien comment la base d’unité contre l’austérité s’élargit de jour en jour. De la protection de l’environnement à lutte contre l'austérité, les groupes de la société civile s’organisent pour contrer la destruction de nos institutions démocratiques, de nos programmes sociaux et de notre patrimoine naturel.
Dans un premier temps, on s’attarde aux luttes environnementales au Québec avec Maude Prudhomme du Regroupement québécois des groupes écologistes. Dans un second temps, on élargit la réflexion sur les choix idéologiques et politiques qui guident les gouvernements provincial et fédéral sur la voie de l’austérité, au mépris de l’opposition publique croissante, avec Patrick Rondeau, membre du comité de coordination de Pas de démocratie sans voix.


Les « gentils » et les « méchants » - Sommaire de l'émission du 13 novembre



« La dualité, ou la pensée binaire, est à mes yeux le mécanisme le plus subtil de la violence ordinaire : cette violence qui résulte de l'habitude qu'a notre esprit de cloisonner et de diviser au lieu de rassembler et d'unifier. La pensée complémentaire, elle, laisse cohabiter les propositions apparemment contradictoires pour qu'elles aient la possibilité de s'ajuster en créant une troisième voie. Cette démarche, bien que pas nécessairement confortable est souvent l'occasion d'une éclosion de créativité.

[...]

Notre intelligence cartésienne fonctionne beaucoup par tiroirs qui s’excluent mutuellement : c'est soit ceci, soit cela! Il faut donc un peu de vigilance pour penser conjointement : et ceci et cela! »

À partir de cet extrait du livre Du Je au Nous, de Thomas D'Ansembourg, auteur du best seller de psycho pop Cessez d’être gentils, soyez vrais!, on porte un regard de travers sur la journée mondiale de la gentillesse.

MAIS, l’émission vous propose un méchant programme ce midi. D’abord, la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) présente la troisième entrée de son abécédaire anticapitaliste : la concertation. Ensuite, un parle de l’art urbain qui dérange et de la place de plus en plus restreinte pour la dissidence dans l’espace public avec l’artiste de l'image numérique, Isabelle Hayeur. Enfin, on poursuit la réflexion autour de la campagne Twitter #AgressionNonDenoncee et de la culture du viol avec Marie-Christine Lemieux-Couture.



Vous pouvez visionner l’oeuvre Murs aveugles d'Isabelle Hayeur, commandée par la Biennale de Montréal, une projection vidéo, présentée sur un édifice jouxtant la station de métro Saint-Laurent, et retirée suite à une plainte déposée par la propriétaire de l'édifice ici :


MURS AVEUGLES from Isabelle Hayeur on Vimeo.

À la guerre comme à la guerre...

« Les désastres de la Guerre sont aussi nombreux que les victimes. Les guerres sont longues, et ont des répercussions catastrophiques sur la population et l’économie, mais aussi l’environnement. Souvent absente des médias, cette dernière problématique préoccupe de plus en plus la Communauté internationale. La protection de l’environnement en temps de guerre peut faire sourire certains. Pourtant, protéger la nature, c’est aussi protéger la population contre certaines armes chimiques, et surtout, donner une chance au pays de pouvoir se relever une fois la guerre terminée. »

C’est ainsi que s’ouvre un article intitulé « Droit international, guerre et protection de l’environnement », signé Sarah Dufournet et paru en février 2012 sur Instrat, un site d’information et d’actualité indépendante dont le slogan provocateur (« Il faut parfois une grande intelligence pour ne pas comprendre. ») est un appel à l’esprit critique qui manque trop souvent aux analystes en affaires internationales.

À l’approche du jour du souvenir, MAIS, l’émission tient à souligner la Journée internationale pour la prévention de l’exploitation de l’environnement en temps de guerre et de conflit. Pour commencer, on s’oppose à la guerre tout court avec Raymond Legault du Collectif Échec à la Guerre qui organise la quatrième campagne du coquelicot blanc au Québec. Ensuite, on réfléchit aux impacts des conflits armés sur l’environnement avec Michel-André Bouchard qui s'est penché sur la question dans la revue Développement durable et territoires et qui travaille avec le McGill-UNEP Collaborating Centre on Environmental Assessment.



Voici en prime quelques références complémentaires pour approfondir la réflexion.
Conflits armés et environnement ne font pas bon ménage, c'est le moins qu'on puisse dire.

L'inverse est également vrai : « Nous menons une guerre contre la nature. Si nous la gagnons, nous sommes perdus », comme l'affirmait l’astrophysicien et vulgarisateur scientifique Hubert Reeves en octobre 2011 lors d’une conférence prononcée à l’Université de Sherbrooke. On se souviendra que quelques mois plus tôt il parlait notamment de sécurité nucléaire et d’exploitation des énergies fossiles à MAIS, l’émission (voir « Science et démocratie : un marriage impossible? ») .

Guerre et environnement ne font semble-t-il pas un mariage beaucoup plus heureux que science et démocratie : « Les conséquences écologiques de la guerre sont omniprésentes et comprennent les fuites de gaz et de produits chimiques causées par les bombardements, l’exploitation non réglementée des ressources naturelles par les forces armées et les groupes rebelles, le gaspillage du sol et les risques pour la vie causés par les mines terrestres et d’autres munitions explosives non explosées, et la pression sur les sources d’eau, la biodiversité et les écosystèmes découlant des mouvements massifs de populations. Les nouvelles technologies et les nouvelles armes, telles que les munitions en uranium appauvri, pourraient représenter des menaces encore inconnues pour l’environnement. [...] La destruction de l’environnement est souvent une cible délibérée de la guerre, utilisée comme arme pour débiliter l’économie, affaiblir la résistance des civils et accroître la pression sur les forces gouvernementales pour qu’elles capitulent. »

Est-ce une coïncidence si c'est devant le campus de l'université McGill que se tiendra la Vigile contre la montée du militarisme, organisée par Échec è la guerre le 11 novembre prochain? Pour saisir toute l'ironie de ce hasard qui n'en est peut-être pas un, il faut lire l'article « Higher-Calibre Education? Uncovering the military applications of high-tech research at McGill University » qui s’intéresse aux usages militaires de la recherche en technologies de pointe à McGill, une enquête publiée au printemps dernier dans le magazine indépendant The Dominion, disponible en ligne sur le site web de la Media Coop.

Pour revenir au thème du jour, il vaut la peine de lire l’entrée « Environnement et opérations de la paix » du lexique en ligne du Réseau de recherche sur les opérations de la paix. Sophie Bourdon, Étudiante à la Maitrise en droit international (environnement) à Université du Québec à Montréal revient sur le cas du Libéria, « premier pays africain à bénéficier d’une aide environnementale post-conflit de la part du programme des nations unies pour l’environnement (PNUE) dans le cadre d’une opération de paix de l’ONU », au sortir de la guerre civile.

Elle note que dans la résolution créant la Mission des nations unies au Libéria (MINUL), le Conseil de sécurité fait implicitement référence à certains principes coutumiers de droit international applicables au droit international de l’environnement, mais que ces « principes ne font pas directement référence à la protection environnementale en tant que telle mais plutôt à la gestion des ressources naturelles ». Son analyse a le mérite de faire réfléchir : « Ceci est le reflet de la place importante qu’occupent les ressources naturelles (essentiellement les diamants et le bois) dans la persistance du conflit libérien. Il est donc permis de croire que l’intérêt environnemental du conseil de sécurité est ici circonstanciel et non pas le fruit d’une volonté de protection écologique à part entière. »

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