Malgré
le fait que le capitalisme global ait depuis longtemps échoué à
assurer un progrès humain véritable, les médias de masse
continuent à relayer ad nauseam
le discours consumériste et productiviste (néo)libéral et
l'idéologie de la croissance illimitée.
Un quart de siècle après
la parution de Manufacturing Consent. The Political Economy of the
Mass Media, la critique des
médias comme instruments «servant à mobiliser des appuis
en faveur des intérêts particuliers qui dominent les activités de
l'État et celles du secteur privé» reste
plus actuelle que jamais.
Le
journaliste, écrivain et écologiste Hervé Kempf expliquait récemment à MAIS, l'émission que «la composante
médiatique du régime oligarchique» a pour rôle « de faire
accepter aux gens un certain ordre du monde en le présentant comme
tellement naturel, évident, qu'on ne va même pas l'interroger ou le
mettre en cause. » La fonction des médias dans l'ordre
oligopolistique et oligarchique contemporain est de « conformer
l'opinion publique d'une certaine manière, en lui présentant une
grille d'analyse et en l'enfermant en quelque sorte dans cette grille
d'analyse. » Au centre de la grille d'analyse dominante se
trouve l'idée que la croissance économique est une nécessité
absolue, une condition sine qua non du développement humain
et du progrès social.
Or, depuis plusieurs
décennies (voire depuis des siècles), une clameur de voix critiques
s'élève partout dans le monde pour dénoncer les dérives du
capitalisme et, plus récemment, pour sonner l'alarme quant au
dépassement des limites écologiques de la planète. Il est objectif
que le modèle de développement
moderne, hérité de la révolution industrielle et fondé sur la
croissance économique et l'innovation technoscientifique est en
faillite, mais les grands médias semblent incapables d'articuler une
critique systémique des nombreuses crises dont ils rendent compte
quotidiennement.
«Nous sommes désormais
à la croisée des chemins et un nombre croissant d'individus et de
groupes choisissent de rejoindre le combat anticapitaliste,
soulignait Accardo. Ce
n'est pas le cas des journalistes, dont la corporation, en dépit
d'opposants internes courageux mais non organisés et très
minoritaires, s'est depuis longtemps rangée massivement dans le camp
des défenseurs de l'ordre établi. [On] peut dire que la
représentation médiatique du monde, telle qu'elle est fabriquée
quotidiennement par les journalistes, ne montre pas ce qu'est
effectivement la réalité, mais ce que les classes dirigeantes et
possédantes croient qu'elle est, souhaitent qu'elle soit ou
redoutent qu'elle ne devienne.»
Si le
mythe de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et
judiciaire est aussi tenace que celui de l'indépendance des médias,
les deux ont été mis à mal dernièrement lorsque des mobilisations
sociales et populaires sont venues remettre en question,
radicalement, les fondements de l'ordre capitaliste.
Encore heureux
qu'il reste quelques journalistes critiques pour en témoigner...