Là où la démarche
scientifique (principal véhicule de la pensée rationnelle) nous
propose de décrire et d'expliquer l'Univers en termes de données,
d'observations et d'hypothèses, la quête spirituelle (dont l'art
est la forme primaire d'expression) nous invite à se raconter et à
se représenter le Cosmos en termes de mythes, de légendes et de
symboles. Ce sont deux registres de questionnement différents qui
nous offrent des perspectives à la fois contradictoires et
complémentaires sur la réalité. Il serait vain d'analyser cette
divergence de point de vue sous le prisme d'un débat aussi
caricatural que stérile entre un rationalisme scientiste et un
spiritualisme mystique. Plutôt que de tomber dans ces extrêmes, il
vaudrait mieux considérer qu'il s'agit de regards distincts portés
sur deux aspects bien différents de notre monde étonnant et
fascinant : son fonctionnement, d'une part, et sa raison d'être,
de l'autre.
La
science peut apporter sur l'Univers tout l'éclairage qu'elle le
voudra (ou qu'elle le pourra), elle ne fera jamais que démontrer
comment il est ce qu'il est. Quant à savoir quel est le sens de la
création du monde (s'il tant est qu'il y en ait un), il restera
toujours une part de mystère, quelque chose d'indéfinissable qui
n'est pas du ressort de l'analyse mécaniste. C'est à la
métaphysique qu'il appartient d'aller au-delà de l'objectivité
matérialiste du monde pour en interpréter la subjectivité
téléologique et chercher à en traduire l'essence. Peu importe, au
fond, que l'on conclue ou non à l'existence d'un Dieu immanent ou
transcendant pour exprimer notre conception de la vérité sur
laquelle s'appuie notre rapport au réel. La quête spirituelle ne
consiste pas tant à trouver une signification définitive et
univoque à l'existence qu'à repousser, dans une démarche autonome
d'émancipation de l'esprit, les limites de la conscience et de la
connaissance en faisant appel à l'intuition plutôt qu'à la raison.
D'ailleurs,
c'est précisément lorsque qu'une religion, c'est-à-dire un système
de croyances spirituelles établi et formalisé autour de rites
particuliers, tente de rationaliser sa vérité et d'y conformer le
monde de gré ou de force, quand la spiritualité se fond dans
l'idéologie qu'elle devient un phénomène politique
potentiellement meurtrier. On l'a bien vu : des
croisades médiévales au Djihad moderne, la foi n'a pas fait que
soulever des montagnes, elle a aussi creusé bien des tombes!